Mérites-tu que je t'écrive "pour de vrai" ? Je ne le pense pas.
Ce serait un appel d'air devant la porte d'une pièce en feu.
Cette lettre rejoint donc cette place déshumanisée, ce cul de sac binaire où personne n'ira.
C'est ma manière d'exprimer le mal que tu as fait naître en moi il y a quelques années maintenant. Mal qui insidieusement, car c'est sa nature, s'est développé mois après mois, années après années, pour finir par gangréner mon âme.
Nous étions, je le pensais, en confiance. La relation idyllique pour moi : ce que tu affirmais aussi.
Fluidité, transparence, communication, paix, équilibre parfait corps et âmes.
Dans quelle mesure me suis-je leurré ? Difficile à dire. Dans quelle mesure as-tu été franche (avant l'incident) ? Encore plus difficile à dire.
Sur cette relation "intense", de mon point de vue donc, s'est greffé le parasite du mensonge.
Il s'est dévoilé un beau jour (la beauté d'une bête sauvage), sortant de ton téléphone posé là par un malencontreux hasard qui (nous le savons) n'existe pas foncièrement. Il est un temps propice au bourgeonnement des scrofules. Le feu du dedans ne peut éternellement rester endormi.
Ce diable surgit donc de manière frontale, de l'écran à ma fragile naïveté (tu étais sous la douche pour laver ton corps... pas ton esprit, nous sommes d'accord).
Il s'est tenu devant moi, quelques secondes, tout illuminé de mots écœurants. J'ai aussitôt prolongé ce qui devait devenir mon supplice en bloquant l'écran de veille, pour finir par le découvrir dans son abjecte nudité : de (si) nombreux échanges érotiques, pornographiques, et même affectueux et complices (peut-être le pire ?)... intimes donc. Et qui plus est... avec une connaissance commune, un "ami". Judas réincarné.
Ce démon, si brutal, ne pouvait être nier. Il exultait dans chaque lettre de vos échanges... qui s'étalaient (ô comble du supplice) sur 9 mois. Vous aviez fait naître dans l'adultère un enfant gras et lubrique, un cupidon obèse et vicieux.
Et pourtant... tu l'as nié. Devant cette abomination que j'ai finalement maintenu devant toi au sortir de la douche, comme j'aurais attrapé un gnome difforme, tu es restée un long moment le visage vide, ces lèvres que j'aimais tant déconnectées des muscles faciaux. Puis, peu à peu, devant le torrent de mes paroles, de mes questions, de ma panique le plus totale, tu as mis le masque de la victime. Cela avec beaucoup de calme, d'arguments (le paroles revenant) et surtout... de larmes. L'arme ultime.
J'ai découvert les mois suivant, par des lectures, que la tromperie fleurte constamment avec le déni. La grande majorité de ceux qui franchissent la ligne rouge (expression que le diable et toi aimiez bien brandir en arguant qu'elle n'avait jamais été dépassée, malgré les écrits qui prouvaient tout le contraire) se réfugient derrière la négation. Il ne s'est rien passé, ce n'est pas moi, c'est faux, je n'ai pas pu faire ça, etc...
Il y a de la schizophrénie pure derrière l'adultère.
Et que s'est-il passé au final ? J'ai flanché. Après des heures d'échanges, j'ai été faible.
La faiblesse des amoureux, des naïfs, de ceux qui ont peur de l'échec, de l'abandon... de ne plus être aimés. 3 années de relation sur la balance, et de l'autre côté 9 mois de mensonges. Qu'est-ce qui est plus lourd que la plume duveteuse du réconfort amoureux ? A priori, pas l'aplomb de la fausseté !
J'aurais dû. Et là une liste d'actions immédiates qui ne franchirent jamais le stade du mental : jeter tes affaires dans l'escalier, te congédier, bloquer ton numéro, bannir ta présence en ligne, changer ma serrure, mettre des mois à guérir en m'extirpant de la fange... je ne sais... 1000 et une choses plutôt que de laisser ma faiblesse être engrossée par tes phrases hypnagogiques et mielleuses.
Rien de cela. Après le déni vint l'erre encore plus absurde du retranchement métaphysique : "seule une action occulte peut expliquer mon amnésie", me dis-tu, avec un sérieux effrayant. Je résista, mais ce plat de couleuvres me fut servi jusqu'à la lie. Quand l'apparente innocence vous contemple avec des yeux de biche, et je le concède une main habile sur votre virilité, l'homme perd consistance, esclave d'Eve, de Lilith et du serpent.
S'ensuivit au moins une année d'un sursis inconfortable. Pour moi, évidemment. La distance kilométrique de notre relation n'aidant pas, je devins soupçonneux, jaloux (intérieurement), méfiant. Malgré un semblant de rapprochement, le ver était dans la pomme. Pour toi, ce drame (car tu persistais à te voir en victime) nous avait rendus plus forts, plus amoureux qu'avant. L'épreuve du Judas fut vite un sujet tabou. Ce fut l'eau croupie qui irrigua petit à petit cette dernière période.
Je pense finalement que mon aigreur suintait. Je pense que peu à peu tu t'es lassée de moi, de ce moi déformé qui ne se sortait pas d'une souffrance sourde, car jamais pansée du baume de la vérité, si cru soit-il.
C'est, je pense, l'explication du coup de grâce ultime que tu m'as infligée : je me suis fané, inexorablement, vidé de ma substance par les non-dits, drainé par les faux semblants. A partir de là, le chaos (K.O) qui toucha le monde fut pain béni pour t'extirper de ce qui ne pouvait plus te nourrir : le Covid ("co/vid" : avec le vide) entra en scène, le confinement avec lui. La distance devint un rempart.
Quand l'heure fut au rapprochement... c'était fini. Après avoir reculé nos retrouvailles, tu m'accueillis avec la froideur et la dureté de l'aigle contemplant le souriceau. Plus une once de sentiment, juste l'envie que je reparte. Ce retour, tu l'avais souhaité pour faire plaisir à tes enfants, avant les grandes vacances. Enfin une vérité.
J'appris par la suite que tu partais près de la mer. Et qui plus est proche, tout proche, du père des jumeaux. Celui qui tu décrivais à tout le monde comme une raclure, un connard, un violent manipulateur. La boucle était bouclée, mais j'étais expulsé du cercle.
Le plus difficile, le plus terrifiant, est de se demander quelle place réelle j'avais dans cette comédie dramatique ? Pansement ? Sans doute : tu étais à ramasser à la petite cuillère quand nous nous sommes connus. Je me devais de te sauver.
Alibi ? Je pense aussi. Une façade propre et nette, et ces kilomètres bien arrangeant.
Et de repenser avec effroi à ces enseignements que tu clamais à tes élèves / patients, en tant que thérapeute : "soyez transparents, intègres, honnêtes. Le salut de votre âme et de votre cheminement spirituel en dépend".
Eh bien... dans quel état est la tienne, si tant est que tu en possèdes finalement une ? Ce gouffre abyssal entre ce que tu as récité aux autres, telles des vérités sacrées, immuables, et la perfidie de tes actes et pensées.
La suite de mon cheminement, dont tu te moques, a donc suivi une route cabossée. Je n'ai connu personne depuis (presque 4 ans déjà). On se demande pourquoi. Et pourtant je le souhaite avec force et espoir.
P.S (hors lettre) :
Je sais que je dois lâcher tout ça. Exercice si difficile quand aucun mot n'a expliqué le coup d'épée dans le dos. Le silence est pire que la haine, mais il est plus aisé. La lâcheté est l'arme des pauvres âmes, me dis-je.
Cette missive mort-née est un maigre exutoire. Mais c'est tout ce que j'ai.
Car encore aujourd'hui, comme je l'ai expliqué au début, je ne peux me résoudre à lui jeter à la figure. Sans doute est-ce stupide, lâche également (pauvre âme moi aussi).
Elle se range ici... dans le labyrinthe de milliards de pages esseulées. Peu la liront, mais peut-être que quelques victimes y trouveront un écho à leurs propres histoires ? Des mots pour exorciser les maux ?
Je sais une chose maintenant : nous ne sommes pas responsable de l'autre. Personne n'est ni blanc, ni noir, je le concède, mais tout peut se dire, se mettre à plat. Au moment où de tels actes surgissent d'un quotidien serein, sans conflit, décrit par cet autre comme "parfait" ; il est évident que ses actes cachés sont sa responsabilité. Et même si tout n'était pas parfait : il est primordial de s'extraire de la culpabilité. L'auto-flagellation est une peine que nous ajoutons de nous-même à la barbarie de la tromperie.
Rien n'excuse le passage à l'acte. On est toujours libre de s'en aller, de ne plus aimer, de ne plus vouloir. L'amour ne doit pas nous emprisonner. Jamais.
C'est donc l'autre, en son âme (?) et conscience (?) qui décide de franchir cette fameuse ligne rouge. A partir de là... rien n'est plus comme avant, les cornes du Diable sont attrapées, on le chevauche dans les brouillards toxiques. Les bois féériques deviennent une forêt de mensonges. L'Amour est piétiné. Aucun guide invisible, Archange ou vies antérieures ne peut expliquer, excuser, la danse sauvage et blasphématoire qui s'en suit.
Le mensonge est une lèpre qui se nourrira de vous. Il prendra vos traits, votre Essence. Vous ne serez que parodie de vous-même. Et sur ce destrier sinistre, vous martèlerez votre chemin sans pouvoir vous arrêter : toutes vos récoltes seront vouées à n'être que limon infertile.
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